Publi¨¦ le 18 mars 2021 Mis ¨¤ jour le 18 mars 2021

Un texte de la Minute Recherche par Bruno Phalip (CHEC).

Les restaurations sont dans leur majorit¨¦ consid¨¦r¨¦es comme b¨¦n¨¦fiques pour le monument, que cela soit au titre du Patrimoine mondial de l¡¯UNESCO ou des Monuments Historiques en France. De fait, lorsque l¡¯¨¦quilibre des ma?onneries ou le sauvetage sont en jeux, les travaux et mesures prises se comprennent imm¨¦diatement. Ainsi, les actions suivant l¡¯incendie de Notre-Dame de Paris constituent des r¨¦ponses peu critiqu¨¦es, apr¨¨s d¨¦bats au sein des institutions patrimoniales : Minist¨¨re de la Culture, Monuments Historiques, Laboratoire de Recherche des Monuments Historiques, Direction R¨¦gionale des Affaires Culturelles¡­. Cependant, la restauration ne peut ¨ºtre confondue avec l¡¯entretien patient, respectueux des marques du vieillissement qui affectent le monument.

Ruin¨¦, ou en ¨¦tat, le monument peut faire l¡¯objet d¡¯am¨¦nagements, de consolidations adapt¨¦es ou d¡¯interventions encadr¨¦es par des chartes internationales de la conservation : Chartes d¡¯Ath¨¨nes en 1931, Venise en 1964, Nara en 1994 ou Cracovie en 2000. Chacun s¡¯y r¨¦f¨¨re avec la volont¨¦ d¡¯en respecter les pr¨¦conisations. Toutefois, en Europe, comme ¨¤ l¡¯international, le volontarisme r¨¨gne dans la restauration, en d¨¦pit de beaux exemples, faisant l¡¯objet de fortes attentions, comme la cath¨¦drale de Tournai en Belgique depuis deux d¨¦cennies, Notre-Dame de Paris depuis deux ans ou Angkor Vat au Cambodge depuis trois d¨¦cennies.

N¨¦anmoins, apr¨¨s environ un si¨¨cle et demi de restaurations, les monuments ne sont pas forc¨¦ment sauv¨¦s. L¡¯usage inadapt¨¦ de mat¨¦riaux contribue ¨¤ l¡¯acc¨¦l¨¦ration de processus d¡¯alt¨¦ration, en se mariant mal avec des pierres, parfois vieilles de deux mill¨¦naires pour un monument antique ou d¡¯un mill¨¦naire pour le Moyen ?ge. L¡¯interaction entre mat¨¦riaux anciens et neufs s¡¯est r¨¦v¨¦l¨¦e n¨¦faste, ne tenant pas assez compte de l¡¯¨¦quilibre fragile ¨¦tabli entre le monument vieux de plusieurs si¨¨cles, son environnement (climat, paysage, faune et flore) et des chantiers aux techniques industrielles utilis¨¦es dans un temps tr¨¨s court. L¡¯¨¦quilibre est ainsi compromis, du fait de l¡¯emploi de mat¨¦riaux trop denses ou ¨¦tanches (ciments, produits hydrofuges¡­) n¡¯autorisant plus une lente ? respiration ? ¨¦quilibr¨¦e du mur sur le long terme (mortier de chaux, ma?onneries ventil¨¦es¡­), mais aussi de nettoyages abrasifs r¨¦p¨¦t¨¦s, de traitements par biocides (biofilm, v¨¦g¨¦taux), ou de sols rendus ¨¦tanches (bitumes, ciments¡­). Les marques du vieillissement sont ainsi bannies au profit de monuments blanchis, aux environnements adapt¨¦s ¨¤ l¡¯¨¦conomie du tourisme, mais contrevenant aux protocoles prudents pr¨¦conisant seulement de discr¨¨tes interventions. Le plus grand adversaire du monument n¡¯est ainsi pas n¨¦cessairement le temps, mais bien l¡¯action humaine.