Publi¨¦ le 2 mai 2019 Mis ¨¤ jour le 2 mai 2019
Jacques-Antoine Dulaure (1755-1835), d¨¦put¨¦ du Puy-de-D?me ¨¤ la Convention, sur les routes de son exil en Suisse, autoportrait grav¨¦, Biblioth¨¨que municipale de Clermont-Ferrand, fonds Patrimoine.
Jacques-Antoine Dulaure (1755-1835), d¨¦put¨¦ du Puy-de-D?me ¨¤ la Convention, sur les routes de son exil en Suisse, autoportrait grav¨¦, Biblioth¨¨que municipale de Clermont-Ferrand, fonds Patrimoine.

Un texte de la Minute Recherche par Philippe Bourdin (laboratoire CHEC).

Alors que, en juin 1814, Louis XVIII a esp¨¦r¨¦ r¨¦concilier les Fran?ais par un geste de cl¨¦mence, invitant ¨¤ l¡¯oubli des ? opinions et votes ?, c¡¯est par un acte d¡¯autorit¨¦ qu¡¯il entend s¡¯imposer ¨¤ l¡¯issue des Cent-Jours : la d¨¦portation des Conventionnels qui ont vot¨¦ la mort de Louis XVI. 170 anciens repr¨¦sentants du peuple sont ainsi jet¨¦s sur les routes ¨¤ partir de 1816. Mais l¡¯¨¦migration choisie ou contrainte a ¨¦t¨¦ le lot de plusieurs repr¨¦sentants du peuple depuis 1789, au lendemain du renversement du tr?ne (10 ao?t 1792), de l¡¯¨¦viction des Girondins de la Convention (juin 1793), du 9 Thermidor, des journ¨¦es populaires de l¡¯an III, envoyant en Guyane les membres de l¡¯ancien comit¨¦ de Salut public Billaud-Varenne et Collot d¡¯Herbois, avant que ne les rejoignent les victimes royalistes du coup d¡¯?tat du 18 fructidor an V, brisant les r¨¦sultats des ¨¦lections de 1797 perdues par les r¨¦publicains.

Les solidarit¨¦s sont essentielles dans la fuite puis dans l¡¯exil, et l¡¯on voit combien comptent pour les Girondins celles qu¡¯ils ont nou¨¦es ¨¤ Paris, dans le salon de Mme Roland, et pour tous les liens ma?onniques. Le rapport aux autorit¨¦s ¨¦trang¨¨res n¡¯est pas simple, la surveillance constante, les correspondances avec le pays, les familles et les amis quitt¨¦s al¨¦atoire. Dans la Belgique de la Restauration, les exil¨¦s participent pourtant au d¨¦bat d¡¯id¨¦es, d¨¦veloppant une presse lib¨¦rale, participant ¨¤ la vie culturelle (autour de l¡¯atelier refond¨¦ du peintre David). Certains renouent avec leur m¨¦tier pass¨¦ : Merlin de Douai plaide au barreau de Bruxelles, Carnot en Allemagne se r¨¦approprie les math¨¦matiques. Mais plus nombreux sont ceux qui doivent se contenter d¡¯un emploi temporaire fond¨¦ sur une partie de leurs talents, et parfois obtenu au prix d¡¯un pseudonyme : journaliste reconnu ¨¤ Paris, d¡¯une curiosit¨¦ encyclop¨¦dique, Dulaure, ¨¦lu du Puy-de-D?me, vit petitement dans la Suisse de 1793 d¡¯un professorat de math¨¦matiques et de g¨¦ographie, puis de ses dessins pour une fabrique d¡¯indiennes. Ramel fait exception, qui r¨¦ussit en affaires en Belgique ; il cr¨¦e derechef une caisse de secours pour aider ses anciens coll¨¨gues ¨¤ passer en Am¨¦rique.

Partout, les proscrits r¨¦fl¨¦chissent avec recul ¨¤ la situation fran?aise. Ils ¨¦crivent leur ressenti, leurs m¨¦moires, avec un ¨¦vident besoin d¡¯autojustification pour leur famille ou pour la post¨¦rit¨¦ ¨C car ils ont aussi diff¨¦remment v¨¦cu l¡¯Empire, et quelques ralliements ¨¤ la royaut¨¦ r¨¦tablie. Il leur faut d¨¦j¨¤ r¨¦pliquer aux premiers historiens de la R¨¦volution, d¨¦fendre leur sentence contre Louis XVI, expliquer les dissensions entre Girondins et Montagnards, entre dantonistes et robespierristes. Pour tous ces hommes, mais aussi pour les auteurs de la proscription de janvier 1816, la R¨¦volution et l¡¯Empire n¡¯appartiennent pas encore totalement ¨¤ l¡¯histoire : leurs effets sont encore bien vivants.