Publi¨¦ le 17 mai 2018 Mis ¨¤ jour le 22 mai 2018

Un texte de la Minute Recherche par Damien Freitas (LMV). Les min¨¦raux pr¨¦sents dans le manteau terrestre subissent plusieurs changements de structure entre 410 et 660 km de profondeur. Cette zone appel¨¦e zone de transition mantellique est consid¨¦r¨¦e comme le plus grand r¨¦servoir d¡¯eau de notre plan¨¨te.

Les min¨¦raux pr¨¦sents dans le manteau terrestre subissent plusieurs changements de structure entre 410 et 660 km de profondeur. Cette zone appel¨¦e zone de transition mantellique est consid¨¦r¨¦e comme le plus grand r¨¦servoir d¡¯eau de notre plan¨¨te. Ses principaux min¨¦raux constitutifs, la wadsleyite et la ringwoodite ¡ª toutes deux des d¨¦riv¨¦s de haute pression de l¡¯olivine¡ª peuvent contenir plusieurs pourcents d¡¯eau int¨¦gr¨¦e dans leur r¨¦seau cristallin sous forme d¡¯impuret¨¦s, ce qui cumul¨¦ ¨¤ l¡¯¨¦chelle de la zone correspond ¨¤ environ deux fois la masse des oc¨¦ans. Lorsque les min¨¦raux de haute pression sont entrain¨¦s au-dessus de 410 km de profondeur par les mouvements verticaux associ¨¦s ¨¤ la convection mantellique, ils se transforment en olivine qui ne peut incorporer qu'une tr¨¨s faible quantit¨¦ d'eau. Cette transformation rel?che donc de l'eau, ce qui provoque la fusion partielle du manteau. Ce mod¨¨le, sugg¨¦r¨¦ par l¡¯analyse des vitesses de propagation des ondes sismiques dans le manteau, n¡¯avait jamais ¨¦t¨¦ confirm¨¦ exp¨¦rimentalement et restait essentiellement qualitatif.

Des exp¨¦riences de hautes pressions r¨¦cemment r¨¦alis¨¦es au Laboratoire Magmas et Volcans ont permis d¡¯affiner ce mod¨¨le. Tout d¡¯abord, les conditions de pression (12 GPa) et de temp¨¦rature (1400¡ãC) de cette r¨¦gion du manteau ont ¨¦t¨¦ reproduites sur des ¨¦chantillons de taille millim¨¦trique ¨¤ l¡¯aide de la presse ¨¤ multi-enclumes. Les propri¨¦t¨¦s physiques de l¡¯¨¦chantillon ont ¨¦t¨¦ mesur¨¦es in situ durant les exp¨¦riences : la conductivit¨¦ ¨¦lectrique pour d¨¦tecter une fusion ¨¦ventuelle de l¡¯¨¦chantillon et la vitesse de propagation des ondes sonores pour une comparaison directe avec les donn¨¦es recueillies par les sismologues. Ces exp¨¦riences montrent que la diminution des vitesses sismiques est compatible avec un degr¨¦ de fusion partielle tr¨¨s faible, de l'ordre d¡¯un pourcent en volume du manteau juste au-dessus de la fronti¨¨re des 410 km de profondeur.

La pr¨¦sence d'une telle couche de manteau partiellement fondu a de grandes cons¨¦quences sur notre compr¨¦hension de la dynamique interne de la Terre. Elle pourrait jouer le r?le de barri¨¨re chimique entre la Terre profonde et les parties plus superficielles. En effet, les magmas concentrent facilement de nombreux ¨¦l¨¦ments chimiques dit ? incompatibles ? de nature aussi vari¨¦s que l¡¯hydrog¨¨ne, le carbone, le calcium, le sodium, le potassium, ou encore le fer. Un tel r¨¦servoir de magma profond pourrait retenir un certain nombre d¡¯¨¦l¨¦ments chimiques importants, et donc am¨¦liorer notre compr¨¦hension de leurs cycles ¨¤ l¡¯¨¦chelle de la Terre et des temps g¨¦ologiques.

Ces magmas pi¨¦g¨¦s ¨¤ la base du manteau sup¨¦rieur sont susceptibles de remonter vers la surface de la Terre ¨¤ la faveur d¡¯¨¦v¨¨nements particuliers, comme une forte teneur en eau ou une temp¨¦rature localement plus importante. La remont¨¦e de ces magmas pourrait ¨ºtre ¨¤ l¡¯origine d¡¯un certain type de volcanisme de ? point chaud ? (qui est issu d¡¯une remont¨¦e de magmas provenant du manteau profond tel les volcans d¡¯Hawaii, de la R¨¦union ou de Yellowstone).